6 Décembre 2017
Impossible d’échapper à l’information du jour, tous les médias ne parlent que de cela…
Johnny Hallyday est mort.
Les Flashs d’information et les éditions spéciales sont sur toutes les chaînes.
La nouvelle est tombée à 2h45 du matin, il est 6h du matin, tout le gratin people dort encore et les journalistes n’ont rien pour tenir l’antenne des heures durant alors on nous diffuse en boucle le Tweet de Laeticia qui déclare que « Son Homme n’est plus » et une rétrospective de ses plus gros succès…
Lorsque j’ai entendu je ne sais plus quelle personne interviewée déclarer que chaque Français avait au minimum un souvenir de sa vie qui avait été bercé par une musique du Rockeur, j’ai tout d’abord pensé à une ou deux soirées entre copains où nous avons entonné le fameux « Allumer le feu » en riant… Que voulez-vous, je ne suis pas une fan.
J’avais beau réfléchir et fouiller ma mémoire, je ne voyais pas d’autre souvenir jusqu’à ce que les premières notes de cette chanson résonnent dans mon salon…
Cela faisait plus de 20 ans que je n’avais pas écouté cette mélodie et en 3 minutes 48’ tout est revenu à mon esprit…
Mes 17 ans, mon année de première en section Artistique dans ce Lycée dont le simple nom fait ressurgir mes meilleurs souvenirs scolaires.
Mes trois copines inséparables, nos 400 coups, mon chéri de l’époque avec qui j’étais depuis près de 6 mois …
Et puis LUI, ce mec qui ne me laissait pas indifférente et que j’ai repéré dès le premier jour de la rentrée des classes dans le parc qui nous servait de cour de récréation…
Je me revois marcher au milieu de mes copines en nous racontant nos vacances d’été à tour de rôle, Virginie qui passait tous ses étés à Ourtin plage à faire du surf avec son frère, Stéphanie qui n’était pas partie parce que ses parents travaillaient trop et moi qui revenais de la côte d’opale, deux mois au camping avec ma bande de copains… Et je l’ai croisé, il ne m’a même pas remarqué mais je me souviens de mon trouble ce premier jour où je l’ai aperçu…
Je me souviens de ces entre-cours à le chercher discrètement du regard parce que quelque chose d’indescriptible m’attirait chez lui…
Jusqu’aux jours où mes copines finirent par remarquer quelque chose… Intriguées elles voulurent comprendre pourquoi je décrochais parfois de nos conversations et qui je suivais ainsi du regard…
Je me souviens de leur réaction quand je leur ai parlé de lui, de leur :
- « Le grand brun là-bas avec les cheveux mi-longs et le polo Eden Park??? Bof… Je ne vois pas ce que tu lui trouves… Mais euh… Et ton chéri ??? » et de ma réponse :
- « Je ne le connais pas, je ne sais même pas comment il s’appelle, mais quelque chose en lui me fascine, m’attire…c’est plus fort que moi… »
Je me souviens de ces heures hebdomadaires de Devoirs surveillés le mardi matin de 10h à midi dans la grande salle d’étude et de ma stupeur lorsque j’ai découvert qu’il serait mon voisin chaque semaine pendant 2 heures… Sur tout le lycée, la trentaine de classes, le millier d'élèves, la Vie avait fait en sorte que nos deux classes de section totalement différentes aient le même créneau pour les DS et mieux encore que l’ordre alphabétique de son nom en fasse mon voisin…
Je connaissais maintenant son prénom…
Je me souviens avoir pensé en souriant « Diable ! Comment un mec aussi sexy peut-il porter un prénom pareil??? » lol
En 3 minutes 48, je me suis souvenue de notre complicité croissante de semaines en semaines, mais qui se limitait à ces deux heures de devoirs coef’ 3 par semaine et quelques sourires échangés au restaurant scolaire ou dans les couloirs du lycée, sourires qui avaient toujours le don d’illuminer ma journée aumoins autant qu’ils me déstabilisaient… J’étais pourtant en couple avec un jeune homme que j’aimais sincèrement et ne comprenais pas l’origine de cette attraction totalement incontrôlable et sans fondement puisque nous ne pouvions prétendre nous connaître.
L’année scolaire s’est écoulée inexorablement, les cours se sont terminés quelques semaines avant le mois de juillet pour la préparation du bac Français et les vacances ont succédé à l’examen… Les 3 mois sans le voir me déprimaient mais je comptais sur eux pour me remettre les idées en place...
Ces vacances tinrent leurs promesses mais bien malgré moi puisque je fus victime cet été là d’un terrible accident de voiture…
Voiture contre Vélo, le combat n’est pas très équitable et si mon chauffard ivre s’en est tiré indemne, ma colonne vertébrale n’a pas résisté à mon vol plané par dessus la voiture et ma chute inconsciente sur la route. J’ai donc passé une grande partie de mon été dans les hôpitaux, d’abord celui d’Abbeville dans la Somme, puis transférée en neuro-chirurgie à Lille puisque je représentais un cas d’étude précieux : une de mes vertèbres en plus d’être fracturée et tassée avait vrillée sur elle-même laissant miraculeusement ma moelle épinière intacte…
Ma rentrée des classes en terminale fut très compliquée… Mon état de santé ne me permettait plus de porter mes 10 kilos de matos artistique et encore moins de supporter l’heure de transport en commun et de marche qui me séparait du lycée, un transport en ambulance a donc été mis en place pour que je puisse poursuivre mes études le plus normalement possible, si tant est que débarquer au lycée tous les matins en ambulance puisse être considéré comme « normal »!
Je me souviens de ce jour de la rentrée où mes copines me dirent que « J’avais finalement eu du flair et que toutes les filles de terminale ne parlaient plus que de ce beau mec tout bronzé qui avait fait sa rentrée en Terminale STT" … Il avait coupé ses cheveux, perdu quelques kilos et était devenu en 2 mois le mec sur qui toutes les filles ou presque se retournaient niaisement persuadée qu’il était nouveau dans l’établissement !
Est-il utile de préciser qu’en plus d’être sexy et charmeur il était maintenant canon et que cela avait très vite balayé mes 3 mois de raison.
Avec une fracture de la colonne vertébrale non stabilisée à 18 ans, la vie se complique sérieusement, le cercle d’amis diminue considérablement à mesure que l’on ne peut plus participer aux sorties et soirées de groupe, même le petit copain finit par prendre ses distances et renoncer et on finit par se retrouver très vite plus proche du personnel médical de soins réguliers que des jeunes de nôtre âge…
Le chauffeur de l’ambulance avec qui je passais 1 heure et demi chaque jour dans les bouchons est vite devenu un copain mais mon confident de l’époque s’appelait Dominique et était Kiné dans un centre de rééducation pour sportifs de haut-niveau… J’avais gagné ma place dans ce centre au regard de la particularité de mon dossier médical et de cette fracture que personne n’expliquait alors il me fallait les meilleurs de leur domaine.
Combien d’heures j’ai passé sur sa table à discuter pour ne pas me focaliser sur la douleur… Un lien s’est tissé de séance en séance avec un deal entre nous : "OK je parle de moi et me confie, mais une confession de moi en vaut une de toi !!! »
Il voulait comprendre ce qui m’était arrivé, pourquoi j’étais seule alors que j’étais « belle comme un coeur et la tête bien remplie » qu’il disait, alors je lui ai parlé de mon chéri de plusieurs mois qui s’ était fait la malle et que je n’avais pas retenue parce que mon coeur battait pour un autre que je ne connaissais même pas… Je lui ai confié toute l’histoire en échange de ses confessions sur sa femme et ses enfants…
Et puis un soir après une séance particulièrement douloureuse où beaucoup de larmes de douleur avaient coulées et qui avait duré un peu plus longtemps que prévue, je suis tombée littéralement nez à nez avec lui dans le cabinet … Genre comme dans les films au scénario couru d’avance où les deux protagonistes se percutent au coin d’une rue ou sur le seuil d’une porte… Et bien pareil ! J’ouvre la porte pour sortir et lui la poussait pour rentrer !!!
Sur les centaines de Kiné de la métropole Lilloise et le millier d’élèves du lycée comment était-il possible qu’il se trouve là, dans CE centre de rééducation à pousser la porte de MON kiné ???
Je ne sais pas exactement combien de temps je suis restée là debout, immobile, livide avant de faire un malaise et que Dominique me rallonge sur la table pour que je reprenne mes esprits…
Je me souviens de ma confusion, de mon incompréhension, je me souviens avoir demandé à Dominique si il le savait, si il l’avait fait exprès, de lui avoir demandé plus fort comment c’était possible ? Pourquoi ???
Je me souviens de son regard perdu, de son incompréhension, il ne cessait de me demander si j’allais bien, il trouvait que mes propos n’avaient ni queue ni tête… Il était sérieusement inquiet pour moi jusqu’à ce que je lui explique tout bas pour ne pas qu’il entende à travers la porte :
-"Le garçon dont nous parlons depuis des mois… Mon coup de coeur irraisonné, celui pour lequel je n’ai pas retenu mon ex… il est là, juste derrière cette porte et il vient TE voir !!!! C’EST UNE BLAGUE OU QUOI ??? »
Je lui ai même demandé en regardant au plafond si il y avait une caméra cachée quelque part…
Dominique était stupéfait de l’ampleur de cette coïncidence qui marqua le jour où j’ai cessé de croire aux « coïncidences » dans ma vie…
Il m’expliqua que c’était un sportif de haut-niveau et qu’il venait se faire soigner ici suite à une blessure…
J’avais un Kiné/Ami plutôt chouette, il se trouve qu’il n’avait pas de secrétaire et devinez quels rendez-vous il prenait systématiquement à la suite du miens…
Forcément cela n’a pas arrangé mon petit coeur…
En même temps, les enfoirés venaient de sortir leur dernier album et je découvrais la reprise par JJ Goldman et Patricia Kaas de « Je te promets » … Une déclaration d’amour de toute beauté dont les mots me touchaient en plein coeur, un tube que je pouvais écouter en boucle laissant mon coeur rêver à celui à qui je dédiais secrètement ces phrases mais qui ne les entendrait jamais…
Et puis le jour de ma dernière séance chez le kiné qui correspondait à la dernière semaine de l’année scolaire arriva…
Ce jour là, mon ambulance me fit faux-bond et je dû décommander ma séance de la cabine téléphonique de mon lycée… Je n’ai jamais su ce qui s’était tramé, qui avait fait quoi, toujours est-il qu’alors que je pensais devoir attendre une demi-heure devant le lycée pour qu’un autre VSL vienne me chercher, une voiture s’arrêta à ma hauteur et quand la vitre du conducteur s’abaissa, Il me lança : Il me semble que l’on va au même endroit, je t’emmène, c’est vu avec Dom’ il t’attend !!!
Je me souviens être montée dans la voiture toute tremblante, m’être assise devant et avoir essayé de tenir une conversation en me maudissant de perdre autant mes moyens…Je me souviens avoir pensé qu’il ne semblait pas plus à l’aise que moi et qui lui aussi cherchait à parler de la pluie et du beau temps , nerveusement… Ridicule nous étions, ne nous mentons pas !!!
Quand il finit par allumer l’auto-radio pour briser le malaise, les premières notes de "Je te promets » retentirent dans la voiture alors qu'il s’arrêtait à un feu.
- "Ouch….. Voilà! » souffla-t-il…
- "Oui Voilà, tout est dit" lui ai-je répondu alors qu’il montait le son laissant la musique totalement envahir l’habitacle…
Nous sommes restés longtemps, très longtemps à nous regarder les yeux dans les yeux, en silence, avec une tension palpable et les automobilistes derrière nous klaxonnèrent une paire de fois avant de nous sortir de notre torpeur et de rompre le charme de cet instant suspendu qui était à deux secondes de nous faire basculer…
J’avais la certitude de ne jamais pouvoir oublier les mots de cette promesse à jamais gravés dans mon coeur et dans ma tête... Et aux premières notes de musique tout est revenu, chaque phrase, chaque mot, je n'ai rien oublié.
Je te promets le sel au baiser de ma bouche
Je te promets le miel à ma main qui te touche
Je te promets le ciel au dessus de ta couche
Des fleurs et des dentelles pour que tes nuits soient douces
Je te promets la clé des secrets de mon âme
Je te promets ma vie de mes rires à mes larmes
Je te promets le feu à la place des armes
Plus jamais des adieux rien que des au-revoirs
J'y crois comme à la terre, j'y crois comme au soleil
J'y crois comme un enfant, comme on peut croire au ciel
J'y crois comme à ta peau, à tes bras qui me serrent
J'te promets une histoire différente des autres
J'ai tant besoin d'y croire encore
Je te promets des jours tout bleus comme tes veines
Je te promets des nuits rouges comme tes rêves
Des heures incandescentes et des minutes blanches
Des secondes insouciantes au rythme de tes hanches
Je te promets mes bras pour porter tes angoisses
Je te promets mes mains pour que tu les embrasses
Je te promets mes yeux si tu ne peux plus voir
J'te promets d'être heureux si tu n'as plus d'espoir
J'y crois comme à la terre, j'y crois comme au soleil
J'y crois comme un enfant, comme on peut croire au ciel
J'y crois comme à ta peau, à tes bras qui me serrent
J'te promets une histoire différente des autres
Si tu m'aides à y croire encore
Et même si c'est pas vrai, si on te l'a trop fait
Si les mots sont usés, comme écris à la craie
On fait bien des grands feu en frottant des cailloux
Peut-être avec le temps à la force d'y croire
On peut juste essayer pour voir
Et même si c'est pas vrai, même si je mens
Si les mots sont usés, légers comme du vent
Et même si notre histoire se termine au matin
J'te promets un moment de fièvre et de douceur
pas toute le nuit mais quelques heures …
La chanson s’est terminée avec notre voyage, Dominique m’attendait sur le Trottoir pour m’aider à monter mes affaires.
L’instant avant de descendre de la voiture un « Waouuuuh » nous échappa simultanément, rien d’autre.
Nous avions tous les deux conscience que c’était la dernière fois que nous nous voyions et que le lycée terminé nos chemins se sépareraient, mais nous avons tous deux été incapables de tenter quoi que ce soit qui aurait pu changer le fil des choses…Il est des histoires non vécues qui laissent des souvenirs plus forts que des faits avérés...
Si j'avais voulu, Dominique m'aurait donné ses coordonnées... Je me laissais l'été pour faire le point sachant qu'il serait absent en Juillet et moi en Aout.
Un mois plus tard je rencontrais celui qui allait devenir mon mari et avec qui je vis depuis plus de 20 ans maintenant.
Et il m’aura fallu 23 ans pour poser des mots sur un tendre souvenir d'adolescence, "mon instant Johnny à moi »...
Et vous? C'est quoi votre "instant Johnny à vous" ???