mardi 31 janvier 2012

Un fil... long de 40 mètres.

Hier matin, en sortant relever mon courrier, je découvre avec surprise mes deux voisins d'en face dehors, l'air grave tournés vers le bout de la rue...
Ils ne m'ont d'ailleurs même pas vu sortir lorsque j'ai poussé la porte de notre portail...
Une fourgonnette des pompiers barrait l'entrée de notre petite rue tandis que deux d'entre eux effectuaient un massage cardiaque à un homme inanimé sur le bitume...
Première pensée : et dire que justement on discutait avec Christophe hier soir de l'arrivée du défibrillateur  sur la place du villach'...
Deuxième pensée : mais euh... c'est qui ?
Toute curiosité morbide mise à part, j'habite une toute petite rue que seuls les habitants empruntent... C'est donc forcément l'un des nôtre... Parce que ma rue, c'est aussi une grande famille et nous nous connaissons tous...
Mes voisins m'annoncent qu'il craignent que ce ne soit Edouard (On va l'appeler Edouard pour préserver l'anonymat...)
La rue est déserte à cette heure là, je me précipite donc à la rencontre des pompiers pour les informer de son nom et surtout de sa situation enfin de celle de sa femme qui devait commencer à trouver le temps long...
Il faut dire que chaque jour ou presque je croisais Edouard en allant rechercher les enfants à l'école...
En effet Edouard est un vieil homme qui chaque matin prenait le temps de sortir faire ses courses du jour... Oh il n'était plus tout jeune, se déplaçait très lentement et il devait bien lui falloir 5 vraies minutes pour parcourir les 100 mètres de notre rue... Mais il savait se moquer de lui et plaisantais très souvent de son allure genre "Oh, vous êtes en béquilles, vous vous êtes cassée le pied ? Ne vous en faites pas même avec ça vous irez bien plus vite que moi !" ou "Oh il est mignon votre petit dernier il apprend à marcher ? Même titubant il me doublera !"...
Souvent je marchais à son rythme le temps de remonter la rue histoire de papoter un peu avec ce vieil homme toujours charmant et vif d'esprit... C'est ainsi que j'ai appris qu'il vivait avec sa femme qui ne pouvait plus sortir de chez eux car elle était très malade... Voilà pourquoi il ne traînait jamais dehors longtemps et s'empressait toujours de rentrer la retrouver... Pourquoi également il refusait de venir à la fête des voisins car il refusait de la laisser seule...
Jour après jour, mois après mois, années après années j'ai appris à le connaître et à l'apprécier... Je prenais des nouvelles de sa dame et souriait de son humour toujours très fin... Tout en l'encourageant et en le félicitant de ses efforts pour sortir chaque jour et ce, peu importait le temps...

Et puis hier matin il est tombé...
Si Nahélé n'avait pas été malade, nous serions sortis 15 minutes plus tôt pour aller le rechercher à l'école et aurions sans doute fait un brin de chemin avec lui...
Si il s'était effondré 40 mètres avant, cela ne nous aurait pas échappé...
Si nous l'avions vu , j'aurais pu mettre en application mes leçons de secourisme et Christophe aurait couru chercher le défibrillateur...
Si les personnes qui l'ont trouvé avaient appelé à l'aide en attendant l'arrivée des pompiers plutôt que de rester sans rien faire...
Des "si", des "si" et encore des "si" qui tournent en boucle dans ma tête...
Des "si" aussi ridicules qu'inutiles...


Aujourd'hui peu importe les "si"... Edouard s'est effondré, foudroyé par une crise cardiaque, à 40 mètres de la maison... Sur le bitume gelé par ce froid si brutal, il est tombé... Et ne se relèvera plus.

Il ne me fera plus sourire en m'expliquant qu'avec 30 ans de moins, il m'aurait bien dragué ! lol
Ne me fera plus rougir avec ses compliments toujours charmeurs...
Ni rire en m'expliquant que j'avais de la chance qu'il soit si vieux sans quoi il me mettrai une piquette en trottinette ! lol
Je ne le verrai plus passer chaque jour sous mes fenêtres avec toujours un petit regard et un signe de la main... Mes enfants ne le doubleront plus dans des courses gagnées d'avance, mais toujours gagnées avec les sourires...
Il est parti et il laisse un bien grand vide... doublé d'une petite piqûre de rappel...
Oui on peut se lever un matin, sortir faire quelques courses et ne jamais rentrer chez soi...
Hier Edouard m'a rappelé que la vie, est éphémère et précieuse et que finalement...elle ne tient pas à grand chose... peut-être même parfois juste à 40 mètres.



5 commentaires:

Audrey a dit…

texte très touchant comme tu sais si bien les écrire, j'en ai les larmes aux yeux. Grosse pensée pour ce monsieur mais surtout pour sa femme et son entourage.

Anonyme a dit…

Bel hommage que tu lui rends à ce papi de ta rue.Une pensée émue pour son épouse (que va t-elle devenir?)
Merci pour ton blog que je consulte si souvent.Rosine

kat77 a dit…

Trop émue pour écrire de grandes phrases qui ne viennent pas....

juste... oui, bel hommage...

Qu'il est pénible ce temps qui passe...

Tu as certainement embelli le quotidien de ce Monsieur...

Je ne sais pas quoi te dire...

Bisous Ma Fofie !!

Gaiako a dit…

Eh oui,comme qui dirait,c'est la vie ma pau've Lili mais il aura au moins eu la chance d'avoir eu un bel hommage de la part d'une narratrice hors du commun et quelques pensées de notre part...

Bisous

Fofie a dit…

Merci pour votre soutien...
Je n'ai pas encore de nouvelles de sa femme et je ne me sens pas d'aller les déranger dans cette période de deuil... Mais je ne manquerai pas d'en prendre dans les jours à venir...
Je suis allée dire au revoir à Edouard au salon funéraire en lui expliquant qu'il nous manquait déjà à tous...
Il est parti rejoindre André ( http://et-si-on-changeait-le-monde.blogspot.com/2009/01/au-revoir-andr.html ) Et notre rue autant que notre vie s'en trouve à jamais différente...
Il me faudra quelques jours pour nous en remettre je pense...
Merci encore pour tous vos petits commentaires qui, comme chaque fois, me vont droit au coeur...